Daniel Barrow, "At First I Thought It Was a Mannequin" (extrait vidéo), 2018

Daniel Barrow, "At First I Thought It Was a Mannequin" (extrait vidéo), 2018

Salle 1

Daniel Barrow

At first i thought it was a mannequin

EXPOSITION /
1ER MARS AU 7 AVRIL 2018

VERNISSAGE /
JEUDI 1ER MARS, 20H

PRÉSENTATION D'ARTISTE /
SAMEDI 3 MARS, 15H

Le travail multidisciplinaire de Daniel Barrow, incluant entre autres l’installation, la sculpture, l’animation et les œuvres sur papier, prend racine dans une pratique quasi compulsive du dessin, un dessin foisonnant et excessif. Conviant des référents anachroniques, qui touchent autant l’esthétique du jeu vidéo vintage ou de la bande dessinée que la sombre théâtralité de l’époque victorienne, les œuvres de Barrow se donnent comme des constructions narratives dans lesquelles le langage, réel ou présumé, occupe une place prépondérante. Déjà, la pratique performative pour laquelle l’artiste est davantage connu, où celui-ci manipule ses dessins devant public en y ajoutant une narration, a fait émerger une voix tragi-comique d’une honnêteté entremêlée d’ironie qui se retrouve dans cette exposition. Le titre en donne d’ailleurs le ton : il s’agit ici de distinguer la vraie nature des choses, une entreprise complexe dans la mesure où l’artiste, friand de maquettes et de constructions, aime à faire cohabiter les dualités.

La maestria technique et l’ornementation qui caractérisent le travail de Barrow peuvent sembler mettre de l’avant un côté joli, voire bon enfant, qui fait écho aux contes, fables, comptines et poèmes qu’il s’approprie dans plusieurs pièces de l’exposition. Dans Bouquet of Mirrors, le motif du miroir dont la surface laisse entrevoir autre chose qu’un reflet a quelque chose d’Alice au pays des merveilles, alors que l’acte de s’y mirer (même sans succès) est un thème récurrent dans les contes de fées – pensons notamment à Blanche-Neige. Mais comme ces contes, du moins dans leurs versions originales, possèdent une violence sous-jacente conséquente avec leur fonction d’éducation morale, les œuvres de Barrow ont un côté subversif : ici, le symbole du siège de toilette agit comme un vanitas nous ramenant aux fonctions primaires du corps et à l’abject de leur représentation. Motifs récurrents dans les œuvres de ce corpus, la cuvette de toilette et ses dérivés surviennent dans des saynètes qui sont à la fois intimes et grotesques, comme cette sculpture où un personnage âgé tombe dans un escalier recouvert de papier hygiénique, que le spectateur joueur peut dérober tel un tapis sous ses pas. Sur ce papier se trouvent des fragments poétiques, faisant de nouveau basculer le ton dans une gravité entremêlée de pathos. Dans l’œuvre-titre, la salle de bain se donne comme une scène de crime, mais sans l’horreur qui y serait associée ; l’artiste-narrateur, qui s’exprime ici sur un ruban de papier de toilette, ne nous indique-t-il pas qu’à première vue, on eût cru à un mannequin?

Dans les œuvres Staircase, le langage se transforme en intertextualité, alors que les escaliers simulés s’inspirent de tropes cinématographiques ou littéraires exploitées lors de la représentation de portes mystérieuses et inquiétantes, souvent cachées dans des intérieurs autrement rassurants. Ce passage entre des mondes radicalement différents, déjà en jeu dans Bouquet of Mirrors, évoque un désir latent d’émancipation et de transgression, aussi visible dans les dessins de l’artiste. Tiraillée entre une retenue et une surenchère de signes et d’affects, l’œuvre de Barrow flirte avec un sentiment anxiogène où l’on reconnaît les angoisses et les petites lubies, comme ce poison à rat qui s’immisce discrètement entre les pièces.
 

- Marie-Pier Bocquet

 

Daniel Barrow est un artiste multidisciplinaire qui vit à Montréal. Sa pratique se concentre notamment en vidéo, en film, en sérigraphie et en dessin. Il est reconnu pour ses performances utilisant le rétro-projecteur antique dont les projections sont superposées et accompagnées d'une narration de l'artiste. Daniel Barrow décrit sa méthode de performance comme un processus de création utilisant les codes narratifs du dessin animé qu'il adapte en une forme manuelle d'animation par projection, superposition et manipulation de dessins sur des rétro-projecteurs.

Il a exposé à travers le Canada et à l'étranger, notamment à The Walker Art Center (Minneapolis), PS1 Contemporary Art Center (New York), The Museum of Contemporary Art (Los Angeles), Internationale Kurzfilmtage Oberhausen, The Portland Institute for Contemporary Art pour le TBA festival, et au London Film Festival au British Film Institute. Il fut le récipiendaire du prix Sobey Art Award en 2010 et du Glenfiddich Artist in Residence Prize en 2013.

 

L'artiste aimerait remercier le Conseil des arts du Canada.