JO-ANNE BALCAEN | SOUND IDEAS

JO-ANNE BALCAEN | SOUND IDEAS

Salle 1

Jo-Anne Balcaen

SOUND IDEAS

EXPOSITION /
20 OCTOBRE AU 19 NOVEMBRE, 2011

L’installation Sound Ideas s’articule autour d’une suite de pièces instrumentales de musique rock génériques, conçues pour l’industrie du cinéma et de la télévision. Notre expérience est d’abord et avant tout guidée par un langage descriptif, une catégorisation qui offre une sorte d’ersatz d'expérience; ces pièces constituent une idée de ce à quoi ces types de musiques devraient ressembler. De plus, qu’est-ce que les éléments qui sont accessoires à la musique, tels que le texte, l’architecture, et l’éclairage, ajoutent à notre expérience de la musique ou en quoi peuvent-ils la remplacer?

En réunissant cet automne les propositions de Jo-Anne Balcaen et de Dominique Pétrin, le centre CLARK fait à nouveau dialoguer de manière constructive et stimulante les artistes exposant dans la petite et la grande salle. Bien que les esthétiques des installations Sound Ideas (2011) de Balcaen et Pompéii MMXII (2011) de Pétrin s’opposent presque en tout point, ne serait-ce que par le dénuement visuel de la première amplifiant par comparaison la saturation chromatique de la deuxième, leurs œuvres puisent à une source commune, soit une fascination pour l’idée, le concept de musique.

SOUND IDEAS

Trois éléments habitent la grande salle : au mur, la pochette d’un disque compact de musique générique rock créée pour servir à l’habillage sonore de films et de publicités télévisées, ainsi que le tableau qui l’accompagne et propose un classement de ses pistes en fonction de l’effet sonore visé ; dans l’espace, un paravent hendécagonal formé de panneaux égaux en bois non fini recouverts, sur leur surface intérieure, de mylar réfléchissant. Une ouverture permet à un ou deux visiteurs de pénétrer dans le petit réduit, pour lire les titres inscrits sur chacune des faces. Ces derniers identifient les morceaux que l’on peut entendre grâce aux casques d’écoute disponibles. De Renegade à Tough it Out en passant par Heavy Hitter – des pistes auxquelles sont accolées des descriptions précises que l’on peut lire dans le tableau, soit « autoritaire et imposant », « déterminé et insistant » ou « costaud et hardi » –, il est difficile de les différencier à la seule écoute, tellement elles sont proches du stéréotype définissant ce que doit être le « rock ». Chacun des morceaux mêle différemment les ingrédients typiques que sont entre autres la guitare électrique appuyée, les basses puissantes et une batterie au rythme accéléré.

Une musique agressive, forte, qu’on écoute dans une pièce démultipliant notre image, nous transporte, par le simple fait de coiffer les écouteurs, dans une autre dimension, au centre d’une expérience tranchant totalement avec l’ambiance de la galerie dans laquelle baignent les autres visiteurs. Ce processus de singularisation nous plaçant à l’écart des individus que l’on côtoie pourtant physiquement est à l’image du décalage qui sépare les membres d’une sous-culture de ceux qui les entourent, grâce notamment au type de musique auquel ils s’identifient. Ramené à soi par cette coupure obligée avec le contexte immédiat, le participant à cette installation ne peut que devenir particulièrement conscient de son image, de son comportement, de sa présence corporelle, seuls éléments le reliant aux autres individus circulant dans la salle, autrement plus calme et silencieuse. Cette obsession de l’image de soi nourrit plusieurs autres projets de l’artiste, notamment Screaming Girls (2005) et Long Shot (2007). Si, dansScreaming Girls, Balcaen rendait visible l’abandon des jeunes filles des années 1960, en transe devant leur vedettes préférées, inconscientes du fait qu’elles sont l’objet de regards tant incarnés que mécaniques, Sound Ideas prend en compte le contexte hypermédiatique actuel, où l’on ne peut plus ignorer le regard de l’autre porté sur soi à tous les instants. D’où peut-être ce contrôle esthétique, ce côté épuré, presque clinique, semblant limiter les possibilités de débordement expressif et émotifs qui rappelleraient l’adolescent debout devant son miroir, imitant en chantant à tue-tête son groupe fétiche. L’œuvre s’inscrit tout naturellement dans la démarche de Balcaen, qui aborde d’un angle plutôt rationnel ce qui entoure la musique populaire, proposant une analyse de ses effets sur l’individu, de sa psychologie, de ses modes de construction, des mythes et des excès auxquels elle donne lieu, notamment le rapport du fan aux objets-reliques et à l’image de la star.