Salle 2

Samuel Lambert

TRIOS

EXPOSITION /
13 SEPTEMBRE AU 6 OCTOBRE 1996

UN AIR DE FAMILLE

Emmanuel Galland et Samuel Lambert collaborent depuis quelques années dans des projets d’installations et de vidéos. Aujourd’hui, ils présentent à la Galerie Clark un duo photographique de grands formats n&b strictement bidimensionnels. Cette nouvelle production tourne autour du thème de la famille ou plutôt des formes de la famille. L’ensemble des photographies exposées ici offre des similitudes, des recoupements et rapprochements évidents.

Emmanuel Galland traite de la famille nucléaire immédiate avec parents et grands-parents (sa famille). Les bouteilles proviennent de l’installation intitulée Pharmacie qu’on a pu découvrir lors du Mois de la Photo à l’automne 1995 (Du réel subjugué, Aspects de la relève canadienne, Centre des Arts Saidye Bronfman, Vox Populi). Cette fois, il a opéré une sélection parmi les quelque 500 pots contenant son album de famille. Dépôt(s), la série présentée ici, constitue un isolement de chaque pot et sa reproduction grand format. Les photographies disposées en alignement semblent nous montrer un schéma parental modèle. Ce schéma nous apparaît quasiment caduc avec les nouvelles configurations familiales que l’on connaît aujourd’hui. La mise en bouteille au service de la conservation est relativisée par la nébuleuse qui opacifie (altère?) chaque portrait. La prise de vue, arrêt dans le temps, prend acte de l’illusoire de cette tentative.

De son côté, Samuel Lambert choisit parmi des photographies trouvées de différentes époques des groupes de personnes organisés en Trios. Recadrées puis agrandies, il les dispose en série de trois à la fois. L’artiste nous exhibe en l’occurrence des familles multiples, reconstituées. Au niveau formel, l’alignement donne un aspect de jeu de dés ou de méli-mélo. En outre, ces personnages laissés à leur anonymat ne nous informent pas plus sur le contexte de leur rencontre: inopportune, par hasard, par affinités, de circonstance, lors d’une fête, d’une visite régulière ou exceptionnelle? À chaque fois, le personnage central se retrouve imbriqué, impliqué de façon symptomatique : mis en valeur ou bien encore presque étouffé par la promiscuité de ses acolytes d’occasion. On cherchera ici les raisons qui ont motivé ces constructions triangulaires (amicales, familiales, de voisinage) et les supputations auront cour quant à l’énigme entourant le preneur de vue originel (rassembleur), en la personne du photographe. Occupant son lieu et sa place, le visiteur d’aujourd’hui marque à nouveau l’événement.

Proches d’une esthétique publicitaire (les formats avoisinant des panneaux de ce type de présentation), ces productions jouent toutes deux sur le mode de l’appropriation du patrimoine photographique privé et collectif. Les notions à la fois de perte (due à l’agrandissement de la photo et à l’ambigüité entourant l’identification des personnages y figurant) et de rapprochement (regroupement déterminé par l’artiste) convoqués ici par les différentes combinaisons possibles sont à associer aux concepts de personnalisation / dépersonnalisation, d’humanisation / déshumanisation.

Le jeu de renvois multiples peut être lu au travers d’une grille historique : l’histoire de l’art et de la peinture (scènes de genre et portraits), l’histoire de la photo (amatrice et professionnelle), l’histoire du vêtement (pour situer l’époque), mais tout autant au travers du sociologique (la formation d’un groupe), du psychanalytique (les liens et projections) ou du morphologique (les ressemblances physiques).

La communauté d’esprit qui motive les deux jeunes artistes nous informera sur les différents niveaux de parenté qui traversent leurs œuvres respectives (plastiques, thématiques, autobiographiques). Au visiteur de faire le lien et la différence.